De ce qui n’aurait pu être qu’un loisir de jeunesse, Marie Daâge, créatrice de la marque éponyme, caractérisée par ces porcelaines entièrement peintes à la main, a décidé de créer une entreprise à la renommée internationale. Sollicitée par les princesses du Moyen-Orient en quête d’un raffinement et d’une élégance à la française, Marie Daâge revient sur son parcours et ce qui la motive au quotidien : la passion des couleurs.
La porcelaine peinte à la main fait partie de votre marque de fabrique. Comment tout cela a-t-il commencé ?
D’autant que je me souvienne, j’ai toujours peint. Depuis mon enfance dans les Antilles d’où je suis revenue à 16 ans, c’est quelque chose que j’ai toujours fait. Après mon bac, pour rassurer dans une certaine mesure mes parents, j’ai intégré une grande école de commerce. Tout de suite après, j’ai suivi les cours de l’Ecole du Louvre et, dans le même temps, des cours de peinture sur porcelaine.
S’agissait-il d’un simple « hobby » ou aviez-vous déjà l’ambition de créer votre entreprise ?
Au début, cela correspondait plus à l’expression d’une envie créatrice. J’ai organisé une vente privée chez des amis qui s’est très bien passée. Du coup, je suis allée à Limoges. Cela m’a beaucoup intéressé et, dans la foulée, j’ai pris le statut d’artisan.
De retour à Paris, des amis m’ont prêté deux chambres de bonnes contiguës sur la rue de Rivoli, à Paris. C’était mon espace de création. Mais je n’avais pas de four sur place. C’est là que j’ai fait une rencontre exceptionnelle : celle de M. Vincent, un artisan qui avait son atelier près du canal Saint-Martin. Il m’a pris d’affection et m’a appris le métier : les secrets de peinture, la température du four…
Quel souvenir gardez-vous de vos débuts professionnels ?
Ce fut intense. Pour honorer ma première grosse commande de l’enseigne Barneys à New-York, j’ai travaillé nuit et jour pendant deux mois. À l’époque, la porcelaine était très classique. Du coup, mes couleurs avaient quelque chose de différent qui a séduit de grandes enseignes en quête de nouveauté.
Vous vous êtes tout de suite positionnée à l’international ?
Non, pas exactement. Le démarrage de l’export est venu avec les Salons Maison & Objet. C’est un événement que je n’ai jamais manqué depuis, car il ouvre vraiment les portes à l’international. Aujourd’hui, cela représente 95 % de mon chiffre d’affaires.
Mon premier marché a longtemps été les Etats-Unis. Désormais, ce sont les princesses du Moyen-Orient qui veulent du Marie Daâge dans leurs palais.
La France garde une image très positive à l’international. Quelle est l’image de l’art de vivre à la française, et plus particulièrement des arts de la table ?
Les gens adorent l’art de vivre à la française. Notre force est le sur mesure : chez nous, tout est intégralement peint à la main à Limoges, capitale française de la porcelaine. Personnellement, je suis très attachée à cette idée du décor à la française.
Notre autre atout réside dans notre créativité. Produire une nouvelle collection, cela ressemble à un défilé de haute-couture. Nous partons de zéro et nous rattachons ces créations à l’existant.
Désormais, à quelques rares exceptions près, nos clients n’achètent plus un service de table dans son intégralité. Ils choisissent quelques pièces qui viennent s’ajouter à ce qu’ils ont déjà.
Aujourd’hui, à l’ère de l’immédiateté, avoir le temps et posséder des objets uniques serait donc la définition du luxe ?
À notre époque, c’est l’art du « slow made », du « Slow luxe ». Mes clients veulent de la vaisselle qu’ils ne vont pas retrouver chez leur voisin. Et pour cela, il faut savoir attendre. C’est le propre du sur mesure. Ce sont des notions qui reviennent, à contrepied de l’instantanéité.
De plus, les gens sont de plus en plus sensibles à l’empreinte qu’ils vont laisser sur la planète, à ce qu’ils achètent, la provenance et la qualité des produits.
Quels conseils donnez-vous à vos clients pour donner une belle harmonie à leur table ?
Ils doivent être prêt à mélanger. De notre côté, nous devons donner aux gens le goût de l’art de la table. Dresser la table doit être un moment de création, avec des accessoires, des fleurs. Les possibilités sont infinies : on part sur trois couleurs et trois décors sur l’assiette. Je préconise que chaque taille d’assiette ait le même décor. C’est un peu comme dans la mode et la petite veste noire qui peut aller aussi bien avec une robe ou un jean.
Et vous, quelles sont vos sources d’inspiration ?
La nature, car on y trouve des combinaisons de couleurs comme nulle part ailleurs, et il n’y a jamais de faute de goûts.
Personnellement, je suis obsédée par la couleur. Où que je sois, en voyage ou dans une exposition, je me pose toujours la question : comment ce décor pourrait être mis sur une assiette ?
Du coup, j’ai toujours un petit carnet noir glissé dans mon sac à main dans lequel je dessine, je découpe, j’appose mes idées. Au fil du temps, j’ai développé ma propre palette de couleurs numérotée. Pour moi elle a beaucoup de valeur : c’est avec elle que je fais des mélanges, et c’est ainsi que je crée de nouvelles collections.
Par exemple, cette année, je vais associer les trois couleurs suivantes : vert forêt, champagne et rosé.